30 novembre 2015

(3) L'oiseau de pierre

Luisa Gallerini
Elle s’accroupit aussitôt pour tirer sur ce qui ressemblait à un pansement élimé, mais ce dernier se rompit immédiatement avant de tomber en poussière, mouchetant ses ongles de cendres et de paillettes à la texture inconnue.
C’est alors que le reflet rouge brilla à nouveau dans l’obscurité.

Ses mains étaient déjà si sales qu’elle creusa sans trop de répugnance. Sous une pierre, elle rattrapa le tissu qui rampait à l’intérieur de l’amoncellement comme enroulé dans ses entrailles. Avec précaution cette fois-ci, elle extirpa une quarantaine de centimètres d’une matière étrange, rugueuse et fragile. Sous ses yeux ébahis, des signes apparurent sur la partie dégagée : la bandelette était couverte de hiéroglyphes. Bouche bée, Marie contempla sa découverte, puis, dans un silence que seuls interrompaient les hurlements du vent, elle en reprit la pénible extraction.

Quelques secondes plus tard, elle heurtait par mégarde l’assise du monticule qui s’affaissa dans un fracas sinistre. Elle remarqua alors, ligoté à un épais rouleau de toile rêche de plusieurs décimètres de largeur, un petit objet rouge partiellement enrobé de boue, qu’elle n’eut qu’un geste à faire pour ramasser. Elle le libéra du rouleau puis, de son ongle, en gratta doucement les contours jusqu’à ce qu’apparût un oiseau de pierre au bec élancé.

Dès qu’elle arriva chez elle, elle déroula l’étole où elle avait glissé le rouleau et la bandelette, puis se mit en quête d’un récipient pour les accueillir. Dans la cuisine, elle avisa plusieurs bocaux, mais aucun n’était suffisamment grand. Elle songea à une bouteille d’eau coupée, à une boîte à chaussures, à un vase, mais aucune de ces alternatives ne lui parut satisfaisante. Ce fut en fouillant dans un placard qu’elle trouva le réceptacle idéal, un cylindre en plastique contenant une affiche de cinéma. Lorsqu’elle eut transféré les pièces, elle plongea la main dans la poche de son manteau pour en retirer un mouchoir qu’elle déplia lentement. L’oiseau de pierre posé au creux de sa paume, il lui sembla percevoir comme un battement, régulier et sourd, cognant au même rythme que son cœur.
Elle prit dans la salle de bain une vieille brosse à dents qu’elle conservait pour décaper les joints et un chiffon en peau de chamois. Après avoir installé la lampe de bureau sur la table, qu’elle recouvrit d’un torchon, elle entreprit le toilettage de l’oiseau. La couche de terre étant beaucoup plus épaisse sur l’une des faces, elle dut frotter énergiquement. Lorsque la pellicule extérieure se fendit enfin, en quelques coups de brosse, elle ôta la gangue bistre jusqu’à ce qu’il ne restât plus qu’une fine strate de résidus. Elle humecta alors le chiffon avec un détergent sans alcool et reprit sa tâche. Le relief affleura bientôt, le bec, la queue et la collerette saillirent, puis la pierre redevint parfaitement translucide.

A suivre...

Dans le prochain épisode, vous saurez laquelle de Nicole et Niniche est la plus vicieuse.

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